La fin du monde en jeu vidéo, c’est toute une histoire : Tantôt réminiscence vivante animant tout un environnement avec S.T.A.L.K.E.R, tantôt toile de fond zombifique dans le Walking Dead de Telltale, l’apocalypse si longtemps annoncée est, depuis de nombreuses années, un des standards tenaces du médium. Un dense patchwork de gameplay pluriels, sorte d’eau bénite pour les développeurs en quête de dépaysement facile. Un terreau qui a surtout servi d’argument scénographique tenace. Mais combien de fois a t-on eu la possibilité de confronter directement la catastrophe, de la vivre en direct ? À ma connaissance, les exemples convaincants (Hors cinématiques ou séquences scriptées servant d’ouverture spectaculaire – je te regarde The Last of Us) se comptent sur les doigts d’une main.
Et puis un jour débarqua The Rapture Is Here And You Will Be Forcibly Removed From Your Home.
Petite jeu développé sous Unity par un seul homme, Connor Sherlock, et inspiré des nouvelles d’H.P Lovecraft, The Rapture (Ne comptez pas sur moi pour écrire cette onomatopée IKEA à chaque fois) n’est pas bien absorbant. C’est la fin du monde, notre avatar n’a plus que vingt minute avant son inéluctable mort pour parcourir la carte, une vallée sinueuse entourée d’une forêt noyée dans la brume. Dans le ciel, une forme ovale étrange semble avaler le ciel et avancer vers nous alors que le plan-séquence musical tout plein de synthé composant la B.O du jeu démarre. Le pitch est posé, l’annihilation est à nos portes, et il n’y a aucun moyen de l’empêcher.
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Le malaise, la dévorante envie de réponses s’installent. Le temps avance. La forme étrangère se rapproche et résonne sourdement dès qu’on tourne la caméra dans sa direction.
La seule option est de marcher – ou de courir – inlassablement, jusqu’à ce qu’advienne la fameuse annihilation. Parcourir cette plaine, emplie de faisceaux lumineux amorçant chacun une sorte de journal audio de la catastrophe, sous différents points de vue, a quelque chose de tétanisant. Si, dans un premier temps, l’on flâne à la recherche des faisceaux, attendant le moment inévitable, une panique souterraine finit par s’installer. Dans cet environnement nu et anxiogène, la présence humaine sonore rassure. Plus encore, elle offre une narration fragmentaire de cette invasion silencieuse de l’humanité, un moyen de brouiller encore plus les pistes, de préoccuper le joueur dans sa quête de réponses. Ces brides audios, toutes extraites de nouvelles de Lovecraft, constituent ici à la fois l’historique de la catastrophe dans la région, de ses premier signes aux événements les plus terrifiants, et les introspections des habitants, jusqu’à leur plongée dans un désespoir complet. Tandis que l’on se perd dans les méandres de la vallée, celle-ci commence à muter à mesure que des monolithes cyclopéens s’élèvent partout dans le décor.
Le malaise, la dévorante envie de réponses s’installent. Le temps avance. La forme étrangère se rapproche et résonne sourdement dès qu’on tourne la caméra dans sa direction.
Il n’y a aucun moyen d’échapper à la fin dans The Rapture. Pas même de fuir aux extrémités de la carte. On le pousse, le joueur, à chercher cette porte de sortie à l’écrasement final, à s’enfoncer toujours plus profondément dans la vallée, pour n’y trouver que plus de faisceaux lumineux, plus de questionnements que de résolutions ; le jeu se gardant d’ailleurs bien d’en donner, des réponses. Parallèlement aux forces cosmiques détaillées dans les nouvelles qui l’inspirent, The Rapture opte pour une vision minimaliste de la fin du monde, sans espoir ni échappatoire. Au bout des cinq premières minutes, l’affaire nous intrigue. Au bout de dix minutes, elle cède la place à une terreur tranquille de l’OVNI menaçant de nous engloutir. Au bout de quinze minute, la course contre le temps est vaine mais néanmoins amorcée. Et quand adviennent les dernières minutes du voyage, c’est à notre tour de nous transformer en un faisceau lumineux, doucement, sans atrocités ni xénomorphes, sprintant pour quelques secondes de plus à passer sur le sol. L’on passe alors de l’état de corps mouvant à celui de mémoire lumineuse. Qu’étions nous au final, un témoin de la catastrophe ou un énième sacrifice destiné à une existence mémorielle, que d’autre expérimenteront avant de subir leur propre évanescence ? On ne le saura jamais. Retour à l’écran principal. En fond, les herbes de la vallée flottent au vent. La catastrophe semble presque passée.
everybody has gone to the rapture.
TRIHAYWBFRFYH n’est pas parfait – notamment parce qu’il s’agit aussi d’une fin du monde qui rame sévèrement sur PC. Néanmoins, au vu de son statut de petite expérimentation gratuite et originale – si, si – , il conviendrait de la tenter absolument. Poser pied sur la plaine silencieuse et faire l’expérience de cette inédite fin du monde.
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The Rapture is Here And You Will Be Forcibly Removed From Your Home est disponible en téléchargement gratuit sur Gamejolt, sa B.O est écoutable juste ici.